Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/385

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profonds soupirs venaient soulager fréquemment sa poitrine oppressée. Théobald ensuite portant sa main sur la sienne, l’appela doucement, tout doucement par son nom. L’effet ne se fit pas attendre : elle répéta encore le nom de l’officier, mais avec une hésitation marquée ; il semblait qu’elle cherchât à se rappeler chaque syllable, chaque lettre, comme si une pensée étrangère fût venue traverser sa première illusion. Bientôt après elle ne dit plus rien : il semblait seulement, au mouvement de ses lèvres, qu’elle voulait parler, mais qu’elle en était empêchée par une certaine impression extérieure.

» Cela s’était déjà répété plusieurs nuits de suite. Alors Théobald commença, en tenant une de ses mains serrée dans la sienne, à parler à voix basse et par phrases interrompues. C’étaient des allusions au temps lointain de leur enfance. Tantôt il parcourait, en sautant, avec Augusta (ce n’est qu’à présent que le nom de la jeune fille me revient à la mémoire), le spacieux jardin de l’oncle, et cueillait pour elle les plus belles cerises, en montant au haut des arbres ; car il s’arrangeait toujours pour lui réserver les meilleures choses, à l’exclusion des autres enfants. Tantôt c’était l’oncle lui-même qu’il obsédait des plus pressantes prières, jusqu’à ce qu’il obtint le grand et beau livre d’images, plein des costumes de tous les peuples. Alors les deux enfants, agenouillès ensemble sur un fauteuil, penchés sur la table, feuilletaient le volume. Il y avait à chaque page un homme et une femme représentés au milieu d’un site de leur patrie, et c’étaient toujours Théobald et Augusta. Ils