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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/397

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cette émotion, disent mon frère et le médecin, est encore un symptôme de maladie qui doit être radicalement détruit.

N’exige pas que je te dise ce que j’ai eu par le fait : je ne le sais pas moi-même. Nulle douleur, nulle souffrance qui puisse se désigner par un nom connu ; et cependant j’avais absolument perdu et ma gaîté et mon repos. — Je voyais tout sous un autre aspect. Des mots dits à haute voix, des pas légers me perçaient la tête comme des aiguillons. Parfois, autour de moi, mille objets inanimés prenaient une voix, un accent, et, dans des langues merveilleuses, m’agaçaient jusqu’à la plus extrême impatience. Les fantaisies les plus bizarres venaient m’arracher à la vie réelle. Croirais-tu bien, ma bonne Adelgonde, que les folles histoires de féerie de L’oiseau vert, du prince Fakardin, de la princesse de Trébisonde, et que sais-je encore, comme la tante Klara savait si bien nous les raconter, se revêtirent pour moi d’un caractère de réalité vraiment effrayant ; car c’était moi-même qui subissais les transformations dont le méchant magicien me rendait victime.

Oui, c’est bien ridicule à dire à quel point ces sottises agissaient sur moi, et d’une manière si pernicieuse, que je devins de jour en jour plus faible et plus languissante. Tantôt je m’affligeais mortellement pour un rien, une bagatelle ; tantôt je me réjouissais jusqu’à l’extravagance pour quelque pareille niaiserie. Et mes forces vitales se consumaient ainsi dans les violents accès d’une volonté inconnue qui absorbait tout mon être. Certains objets qui auparavant