Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/436

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la société qui l’entoure, et s’écrie : « La voilà ! — la voilà ! — Ne voyez-vous pas ? elle est tout près de moi ! » — Bref, depuis cette soirée fatale, Adelgonde affirma que le fantôme surgissait devant elle chaque soir, à neuf heures précises, et cette vision durait quelques secondes, sans que personne, excepté elle, aperçût la moindre chose, ni éprouvât aucune sensation intérieure qu’on pût attribuer à la présence d’un principe inconnu immatériel.

La pauvre Adelgonde fut alors tenue pour folle, et ses parents, par un travers singulier, eurent honte de cet état de leur fille. De là ces étranges façons à son égard dont j’ai parlé tout à l’heure. — Il ne manquait pas de médecins et de remèdes qui devaient guérir la jeune fille de cette monomanie, comme on se plaisait à nommer sa croyance à cette apparition prétendue. Mais tout fut vainement mis en œuvre, et elle supplia instamment et en pleurant qu’on la laissât enfin en repos, assurant que le fantôme, dans ses traits confus et indécis, n’avait rien du tout de redoutable, et que son aspect ne lui causait plus de frayeur, quoique à la suite de chaque apparition elle sentit pour ainsi dire son âme et sa faculté pensante se séparer d’elle, comme pour flotter dans l’espace affranchies de tout lien terrestre. Et cela lui causait beaucoup de faiblesse et de souffrance.

Le colonel n’obtint aucun résultat de l’appel qu’il fit d’un médecin célèbre, qui avait la réputation de guérir les maniaques par des moyens fort ingénieux. Lorsque le colonel lui eut fait part de la situation de