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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 4, trad. Egmont, 1836.djvu/19

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bras entier se laissèrent voir. Je tirai à la hâte ma lorgnette d’opéra, et j’aperçus alors distinctement une main de femme éclatante de blancheur et merveilleusement faite, au petit doigt de laquelle étincelait un diamant incomparable. Un riche bracelet rayonnait aussi à son bras d’albâtre voluptueusement arrondi. La main déposa une carafe de cristal d’une forme étrange sur l’appui de la croisée, et disparut derrière le rideau.

Je restai pétrifié. Un sentiment indéfinissable de bonheur inquiet me fit frissonner comme une commotion électrique. Je ne pouvais détourner mes regards de la fenêtre enchantée 9 et peut-être aussi un soupir langoureux s’échappa-t-il de mon sein. Bref, en revenant à moi, je me vis entouré d’une foule de gens de toute-condition, qui regardaient avec curiosité du même côté que moi. J’en fus contrarié. Mais il me vint bientôt à l’esprit que le peuple d’une grande ville quelconque ressemble toujours plus ou moins A cette multitude de badauds attroupés devant une maison, qui ne se lassaient point d’ouvrir de grands yeux et de crier au miracle, parce qu’un bonnet de coton était tombé d’un sixième étage sans une seule maille de rompue.

Je m’éclipsai adroitement, et le démon du prosaïsme me souffla très-intelligiblement à l’oreille que j’avais vu sans doute la femme du confiseur dans sa belle toilette du dimanche placer sur l’appui de la croisée une carafe vide d’huile de rose ou de quelque autre liqueur.

Tout-à-coup, chose étrange ! il me vint une idée