Page:Hoffmann - Contes posthumes, 1856, trad. Champfleury.djvu/213

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possible, un papillon fort rare (son nom ne t’intéresserait pas), qui ne commence sa course vagabonde et circulaire qu’après le coucher du soleil. Il faisait un air étouffé rempli de l’arôme voluptueux des herbes parfumées. Quand j’entrai dans la forêt, je me sentis pris d’une étrange et douce angoisse ; de mystérieux frissons m’agitaient, qui se fondaient en aspirations indéfinies. Le papillon de nuit, pour lequel j’étais venu, s’éleva tout près de moi ; mais mes bras pendaient sans force, comme paralysés, je me sentais cloué au sol, j’étais incapable de poursuivre le papillon qui folâtrait au loin dans la forêt. Alors je me sentis entraîné comme par des mains invisibles dans un bosquet qui me chantait, par ses bruissements, de douces paroles d’amour. À peine entré, je vois, ô ciel ! — sur un tapis bigarré de brillantes plumes de pigeon, et couchée, la plus mignonne, la plus belle, la plus gracieuse insulaire que j’aie jamais rencontrée. Non, rien que ses contours extérieurs indiquaient que cet être parfumé appartenait à la race des insulaires d’ici. La couleur, la forme, la physionomie, tout était d’ailleurs différent. Un délicieux saisissement me coupa d’abord la respiration ; je m’approchai avec précaution de la petite : elle semblait dormir. Je la pris et l’emportai ; le plus précieux joyau de l’île était à moi ! Je la nommai Haimatochare ; je construisis une petite chambre tapissée de papier d’or, je préparai un lit des mêmes plumes de pigeon bigarrées et brillantes sur lesquelles je l’avais trouvée. Elle paraît me comprendre et sentir ce qu’elle est pour moi ! Pardonne-moi, Édouard, je te dis adieu, il faut que j’aille voir ce que fait cet être chéri, mon Haimatochare ; — j’ouvre sa petite chambre,