Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/214

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aura de quoi filer ;
Nous lui taillerons de l’ouvrage ;
Et moi, disoit la mort, je m’en vais occuper
Sa sœur Atropos à couper :

Qu’elle ait de bons cizeaux, pour moi j’ai bon courage.
Nos voyageurs, au coin d’un bois,
Se reposant un jour fatigués du voyage,
Ils mettent bas et l’arc et le carquois,
Confondent tout leur équipage ;
Et quand il faut partir, le reprennent sans choix.
De l’enfant le squelete avoit pris maintes fléches ;
L’amour parmi ses traits mêla ceux de la mort.
L’une au cœur des vieillards fit d’amoureuses bréches ;
L’autre des jeunes gens alla trancher le sort.
Jupiter rit de la méprise,
Et n’y mit de remede en rien :
Il pensa que de leur sotise
Il pouvoit naître quelque bien.
Si notre espéce en effet étoit sage,
Depuis ce troc nous craindrions,
Malgré la force ou la langueur de l’âge,
Et la mort et les passions.
Sans ce danger que je soûtiens propice,
Dans la vigueur des ans, ou bien sur leur déclin,
Le vice n’auroit point de frein,
Et la vertu point d’exercice.