Page:Houdar de La Motte - Œuvres complètes, 1754, tome 9.djvu/298

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Car tout amour propre a ses droits.
Il faut ménager tous les hommes :
En fait d’orgueil tous les hommes sont rois.

Un renard poursuivi, faute d’un autre azile,
S’étoit sauvé dans l’antre d’un lion,
Le chasseur l’y laissa sans plus d’ambition ;
Violer la franchise eût été difficile.

Mais le renard épouvanté
Ne compta guère alors sur l’hospitalité.
Ça, dit le monarque farouche,
Sois le bien arrivé ; tu seras pour ma bouche.
À quelle sausse es-tu meilleur ? Dis-moi.
Je n’en sçais rien, dit le renard au roi ;
Mais, sire, ce discours et ce regard sévere
Me rappellent mon pauvre pere.
J’en pleure encor quand je pense à sa fin.
Un lapin fugitif lui demandoit azile ;
Mais mon pere trouva la priere incivile ;
Et poussé par le diable, il mangea le lapin.
Le lapin en mourant, reclama la colere
De Jupiter hospitalier ;
Et sur le champ mon pauvre pere
Fut enfumé dans son terrier.
Le lion s’en émût : et soit crainte, soit honte,
Soit pitié du renard, sa faim se ralentit.
Va t’en, dit-il, avec ton conte,
Tu m’as fait passer l’appetit.