Page:Houssaye - La Vertu de Rosine, 1864.djvu/54

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nuer ma chanson, comme le Juif errant, n’ayant pas plus le sac que lui. À la brune, je viendrai te prendre pour t’emmener souper avec mes cinq sous. Mais n’oublie pas que je t’ai dotée d’un capital qui doit me rapporter cent sous par jour.

La joueuse de harpe s’éloigna sur ces paroles, en pensant que c’était de l’argent bien placé. Restée seule, Rosine respira plus à l’aise. Elle dénoua les violettes et le feuillage, cassa un bout de fil sous ses petites dents blanches et fit son premier bouquet. Le bouquet fait, elle le trouva si joli, — il y avait longtemps qu’elle rêvait au plaisir d’acheter une simple fleur, — qu’elle oublia un instant que ce premier bouquet était fait pour être vendu : elle le mit sans façon à son corsage. Jamais femme du monde ne mit une parure de diamants avec un plus doux plaisir. En voyant les violettes à sa gorge, Rosine sentit