Page:Houssaye - Poésies complètes de Arsène Houssaye, 1850.djvu/83

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Car il mire dans l’eau son calice tremblant
Et semble s’égarer dans un songe ineffable.

Traversons ce sainfoin, cette avoine, et montons
Par ce chemin désert que le torrent ravage ;
Gravissons la colline où chèvres et moutons
S’éparpillent gaiement dans le trèfle sauvage.

Du haut de ces rochers que nos regards errants
Se perdent çà et là dans la fraîche vallée,
Le long des clairs ruisseaux, sur les blés odorants,
Vers le bois assombri par une giboulée.

La blonde au teint bruni qui lave dans le gué
Chante un vieil air de mai d’une voix printanière ;
Au bout de son sillon le cheval fatigué
L’écoute, et, hennissant, agite sa crinière.

Allons nous reposer à l’ombre du sentier,
Respirons en passant cette aubépine amère,
Sous le sureau sauvage abritant l’églantier,
Cueille sans t’attrister une pâle éphémère.

L’hiver avait glacé mon cœur sous son linceul,
Je voyais s’effeuiller l’arbre des espérances ;
Je n’attendais plus rien du monde où j’étais seul,
Et je prenais la main de mes sœurs les souffrances.

Le printemps en mon cœur revient après l’exil,
Ramenant sur ses pas mille blanches colombes,
Et mon cœur refleurit au doux soleil d’avril :
L’herbe n’est-elle pas plus verte sur les tombes ?