Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/277

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nos propres yeux, et remontait notre courage. Quel bonheur, de nous trouver enfin sur une terre hospitalière, et de pouvoir respirer franchement un air libre, après avoir vécu si longtemps en Chine, toujours dans la contrainte, toujours en dehors des lois, toujours préoccupés des moyens de tricher le gouvernement de Sa Majesté impériale !

La sorte d'indifférence avec laquelle notre déclaration fut reçue par l'autorité thibétaine ne nous étonna nullement. D'après les informations que nous avions déjà prises Sur la manière d'être des étrangers à Lha-Ssa, nous étions convaincus qu'il ne nous serait fait aucune difficulté. Les Thibétains ne professent pas, à l'égard des autres peuples, ces principes d'exclusion qui font le caractère distinctif de la nation chinoise : tout le monde est admis à Lha-Ssa ; chacun peut aller et venir, se livrer au commerce et à l'industrie, sans que personne s'avise d'apporter la moindre entrave à sa liberté. Si l'entrée du Thibet est interdite aux Chinois, il faut attribuer cette prohibition au gouvernement de Péking, qui, pour se montrer conséquent dans sa politique étroite et soupçonneuse, empêche lui-même ses sujets de pénétrer chez les peuples voisins. Il est probable que les Anglais ne seraient pas plus repoussés que les autres des frontières du Thibet, si leur marche envahissante, dans l'Indoustan, n'avait inspiré une légitime terreur au Talé-Lama.

Nous avons déjà parlé des nombreuses et frappantes analogies qui existent entre les rites lamaïques et le culte catholique. Rome et Lha-Ssa, le Pape et le Talé-Lama (1)[1]

  1. (1) Dalaé-Lama est une très-mauvaise transcription c'est Talé-Lama qu'on doit prononcer. Le mot mongol talé veut dire mer, et a été donné au grand Lama du Thibet, parce que ce personnage est censé être une mer de sagesse et de puissance.