Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/341

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son déclin, tous les Thibétains cessent de se mêler d'affaires, et se réunissent, hommes, femmes et enfants, conformément à leur sexe et à leur âge, dans les principaux quartiers de la ville et sur les places publiques. Aussitôt que les groupes se sont formés, tout le monde s'accroupit par terre, et on commence à chanter des prières lentement et à demi-voix. Les concerts religieux qui s'élèvent du sein de ces réunions nombreuses produisent dans la ville une harmonie immense, solennelle, et qui agit fortement sur l'âme. La première fois que nous fûmes témoins de ce spectacle, nous ne pûmes nous empocher de faire un douloureux rapprochement entre cette ville païenne, on tout le monde priait en commun, et les cités de l'Europe où l'on rougirait de faire en public le signe de la croix.

La prière que les Thibétains chantent dans les réunions du soir, varie suivant les saisons de l'année : celle au contraire qu'ils récitent sur leur chapelet, est toujours la même, et ne se compose que des six syllabes : Om, mani padmé houm. Cette formule, que les Bouddhistes nomment par abréviation le mani, se trouve non-seulement dans toutes les bouches, mais on la rencontre encore écrite de toutes parts, dans les rues, sur les places publiques, et dans l'intérieur des maisons. Sur toutes les banderolles qu'on voit flotter au-dessus des portes ou au sommet des édifices, il y a toujours un mani imprimé en caractères landza, tartares et thibétains. Certains Bouddhistes riches et zélés, entretiennent à leurs frais des compagnies de Lamas sculpteurs, qui ont pour mission de propager le mani. Ces étranges missionnaires s'en vont un ciseau et un marteau à la main, parcourant les campagnes, les montagnes et les