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IX


28 juin 1847.

En arrivant à la Chambre, j’ai trouvé Franck-Carré très scandalisé.

Il tenait à la main un prospectus de vin de Champagne signé le comte de Mareuil, et timbré du manteau de pair et de la couronne de comte avec les armes de Mareuil. Il avait montré la chose au chancelier qui lui avait dit : — Je n’y peux rien.

— Si un simple conseiller faisait chose pareille dans ma cour, me disait Franck-Carré, j’y pourrais pourtant quelque chose. J’assemblerais les Chambres, et je le ferais admonester disciplinairement.

Il avait raison.




X

7 janvier 1848.

Discussion de l’adresse dans les bureaux de la Chambre des pairs. J’étais du quatrième bureau. Entre autres changements, j’ai demandé celui-ci. Il y avait : « Nos princes, vos enfants bien-aimés, accomplissent en Afrique les devoirs de serviteurs de l’État. » J’ai proposé : « Les princes, vos enfants bien-aimés, etc., accomplissent, etc., leurs devoirs de serviteurs de l’État. » Cette niaiserie a fait l’effet d’une opposition farouche.




XI

14 janvier 1848.

La Chambre des pairs a empêché d’Alton-Shée de prononcer à la tribune même le nom de la Convention. Il y a eu effroyable vacarme de couteaux sur les pupitres et de cris : — À l’ordre ! et on l’a fait descendre presque violemment de la tribune.

J’ai été au moment de leur crier : — Vous faites là une séance de la Convention ; seulement avec des couteaux de bois !

J’ai été retenu par cette pensée que ce mot, jeté à travers leur colère, ils ne le pardonneraient jamais, non seulement à moi, ce qui m’importe peu, mais aux vérités calmes que je pourrais avoir à leur dire et à leur faire accepter plus tard.