Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pareille idée entre dans mon esprit. — Laissons cela : j’avoue que j’ai été indigné ce soir, pour toi comme pour moi, et que je n’aurais pas supporté cet affront patiemment, si ton nom n’avait été là pour m’arrêter. — Adieu, mon Adèle, ce nom adoré est tout-puissant sur moi. Je ne me repentirai jamais de ce que j’aurai fait pour ma femme. Adieu, je t’embrasse et je t’embrasse encore. Que demain me tarde à venir !


Lundi matin.

C’est une chose bien douce pour moi, mon Adèle, que de commencer cette journée comme j’ai terminé celle d’hier, en t’écrivant. Mais qu’il me serait bien plus doux de pouvoir être en ce moment à tes côtés, d’épier le premier regard de tes yeux, le premier sourire de tes lèvres ! Hélas ! ce bonheur est encore pour d’autres que pour moi, espérons qu’un mois ne s’écoulera pas avant que ton Victor ne soit entré en possession de son bien. Il me semble, chère, bien chère amie, que j’ai déjà vécu une vie entière de tourments et de privations depuis que je t’aime ; il est bien temps que j’arrive à ma vie de bonheur.

Ô mon Adèle, bonheur est un mot trop faible pour exprimer ce qu’éprouvera ton mari dans ce bienheureux jour, ce qu’il éprouve quand tu daignes lui permettre une caresse ou un baiser.

Adieu, adieu. Embrasse-moi[1].

  1. Collection Louis Barthou.