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NOTES DE L’ÉDITEUR.


I


revue de la critique.


On remarquera dans cette Revue de la Critique le silence des grandes Revues et de certains grands quotidiens : Le Journal des Débats, le Figaro, le Gil Blas, la Revue de Paris, la Revue des Deux Mondes, la Revue Blanche, etc. ; nous croyons en avoir découvert la raison : Paul Meurice avait donné à la Grande Revue la primeur des Lettres à la Fiancée. De novembre 1900 au 1er février 1901, la Grande Revue avait fait paraître en entier tout le volume ; en conséquence, à la publication en librairie, les principaux confrères s’abstinrent.

Et puis, les Lettres à la Fiancée n’offraient pas l’attrait d’un drame, d’un volume de vers ou d’un roman ; c’était bien un roman pourtant, mais un roman si uni, si chaste, si vertueux qu’il ne donnait prise à aucune controverse, à aucune polémique ; il fallait pour l’apprécier une âme de poète ou de femme ; ces âmes-là en général n’ont pas le monopole de la publicité.


La Libre parole.

28 février 1901.

Non signé.

Les Lettres à la Fiancée de Victor Hugo ont paru le 26 février, 99e anniversaire de sa naissance. Rien de frais et de charmant comme l’amour ingénu de ce jeune cœur déjà si ardemment passionné. Ces lettres, qu’adolescent il écrivait sans aucun souci de style, pour n’être lues que de la toute jeune fille qui devait être sa femme, nous montrent sous un aspect nouveau la physionomie du grand poète.


Le Rappel,

1er mars 1901.

Lucien-Victor Meunier.

Les Lettres à la Fiancée... À les lire, on éprouve un sentiment singulier.

En 1820 Victor Hugo avait dix-huit ans ; il était, comme il le dit lui-même, absolument vierge de corps et d’âme ; avec une fougue superbe à force de candeur il s’abandonnait aux illusions d’un premier amour.

... Ce qui est remarquable, c’est que les Lettres à la Fiancée sont bien plutôt d’un poète que d’un amoureux. Il n’y est, bien entendu, question que d’amour, mais cet amour semble surtout cérébral, fait d’imagination. Visiblement, Victor Hugo quand il les écrivait, faisait effort pour nourrir, pour exagérer ces illusions qui lui étaient chères.

... Mais si on lit avec attention, une autre impression se dégage nettement ; on se rend compte que Victor Hugo n’était pas tellement dupe de lui-même, qu’à travers les riches vêtements dont son imagination ardente recouvrait l’idole, il voyait fort bien la vérité.

Assurément elle ne comprenait pas Victor Hugo, ne se rendait nullement compte de ce qu’il était déjà, prévoyait encore moins ce qu’il allait être... Il y a quelque chose de touchant, de poignant, de voir Victor Hugo s’efforcer, presque son insu sans doute, de hausser jusqu’à lui le cerveau et le cœur de celle dont il se dit l’esclave… Il est dans la destinée de ceux qui vivent dans les fantasmagories hallucinantes, dans les doutes, dans les angoisses, dans les enthousiasmes du rêve, de chercher toujours la femme dont la pensée pourra suivre, sans être brisée par l’effort trop rude, leur fougueuse pensée ; il est dans leur destinée aussi, le plus souvent, presque toujours, de ne jamais la rencontrer... Et n’im-