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Le Temps.

24 mars 1901.

Gaston Deschamps.

Les voici, ces lettres. Il eût été dommage que la postérité eût été privée des confidences de ce petit amoureux, qui fut un grand poète. C’est quelque chose de très grand, de très pur, de très noble, de très beau. Ce sont des reliques particulièrement dignes d’être conservées, car les mariages d’amour, les mariages sans dot deviennent rares, même chez les poètes.


La Revue Hebdomadaire.

30 mars 1901.

Henri Bordeaux.

… Voici que l’on nous donne en pâture les lettres de Victor Hugo à sa fiancée. Ajouteront-elles à l’illustration de notre plus grand poète lyrique ? Je dois dire bien vite que je ne le pense pas. Il les a lui-même jugées à la fin de cette correspondance de deux années : « Notre histoire, chère amie, aura été une preuve de plus que vouloir fermement, c’est pouvoir ». Et ailleurs : « Il manque toujours à mes lettres quelque chose, et ce quelque chose que je n’ai pu exprimer est pourtant ce que j’aurais le plus désiré rendre ». Ces deux paroles sont le plus clair résumé de ce petit livre ingénu et vibrant. Les fiançailles et le mariage de Victor Hugo sont un beau roman d’amour ; il y déploya une énergie qu’on peut déclarer admirable, et une dignité passionnée qui force l’estime. Peu de jeunes gens de vingt ans vécurent dans l’atmosphère d’un sentiment aussi fidèle et parfait et puisèrent dans ce sentiment même une telle vigueur pour dompter le destin et conquérir le bonheur.

... Mais s’il a vécu une belle passion, il n’a pas su le dire… Pour proclamer ses sentiments, l’homme de génie ne rencontra point ce langage de la tendresse qui fleurit à de douces lèvres dépourvues de science. Victor Hugo ignora ce charme ailé qui ôte aux mots leur poids et les enlève comme des plumes légères avides de voler… Il célèbre sa passion en thèmes larges et généraux qui sont dépourvus de nuances, de finesse, et quelquefois de délicatesse et de tact.

... Il a le goût des très jeunet gens pour la dissertation et la profession de foi. Les théories le fascinent encore, et il est content quand il peut généraliser ou abstraire. Ainsi il explique l’amour à son amie. Comme si l’amour avait besoin d’être expliqué. Il veut instruire cette petite bourgeoise.

... Je préfère le passage où il rassure son amie qui lui avoue ne rien comprendre à la poésie, et ne rien savoir. Il définit à outrance, mais gentiment.

... La sincérité de son amour se traduit par ces deux signes qui l’accompagnent souvent, surtout dans l’extrême jeunesse : le goût de s’humilier et le goût de la mort.

... Notre jeune fiancé est encore intéressant dans les manifestations de la jalousie ; il trouve même des accents émouvants dans son exclusivisme amoureux… Il est jaloux sans causes, ce qui est la marque de la vraie jalousie ; jaloux parce qu’elle accepte le bras d’un autre homme ; jaloux parce qu’elle relève sa robe dans la rue par crainte d’être crottée, suivant en cela les opiniâtres recommandations de sa mère. L’amour est-il bien complet s’il n’est un peu jaloux ?

Telle est cette correspondance amoureuse, qui trouve moyen d’être passionnée sans réussir à nous passionner. Elle est sérieuse et tendre et a plus d’énergie que de fraîcheur. Ce qu’il en faut retenir, c’est la merveilleuse vaillance de cet enfant de vingt ans qui, fort de son amour, a vaincu les destinées contraires. Il pouvait écrire non sans orgueil ces belles et fières paroles au père de son Adèle : « Bien des hommes marchent d’un pas tremblant sur un sol ferme ; quand on a pour soi une conscience tranquille et un but légitime, on doit marcher d’un pas ferme sur un sol tremblant. »


Le Penseur.

Mars 1901.

Émile Blémont.

Les Lettres à la Fiancée, que vient de publier M. Paul Meurice, l’exécuteur testamentaire, ont le double mérite d’être des documents de la plus haute valeur et de former un livre du plus vif intérêt aussi bien par la forme que par le fond.

On se rappelle l’invocation émue des Feuilles d’Automne :

ô mes lettres d’amour, de vertu, de jeunesse !