Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous nous sommes tus sur les désagréments que nous éprouvons de la part de Mme Martin, c’était uniquement pour ne pas te tourmenter, espérant d’ailleurs en voir bientôt la fin. Elle a sans doute voulu nous prévenir ; nous ignorons les plaintes qu’elle a pu te faire, mais elle eût dû songer que nous sommes d’un âge à savoir nous défendre quand nous le pouvons, et que tu dois la connaître aussi bien que nous.

Nous avons pour elle tous les égards que nous lui devons comme tante ; elle n’en a aucun pour nous ; elle semble même prendre à tâche de pousser à bout notre patience par les procédés les plus inconvenants. Tu nous as dit qu’elle était chargée de pourvoir à tous nos besoins, tu lui as sans doute laissé des instructions, mais nous ne pouvons croire que tu lui aies prescrit de traiter tes fils comme elle voudrait les traiter. Nous ne pouvons rien lui demander, pas même des souliers, qu’elle ne se récrie aussitôt après nous, sans ménager ses termes, sans penser au respect qu’elle se doit à elle-même. Si nous voulons lui prouver que nous avons raison, il nous faut essuyer un torrent de basses injures, quittes, quand nous nous y dérobons, à nous entendre appeler sots et impertinents, etc., etc.

Nous ne te tracerons pas le tableau de la scène dégoûtante qu’elle nous a faite dernièrement ; il est seulement heureux pour nous d’en avoir eu des témoins, après les mensonges qu’elle a voulu inutilement faire croire à M. Decotte, nous sommes en droit de suspecter sa sincérité à ton égard. Au reste, mon cher papa, nous n’avons rien à nous reprocher ; tout ce que nous avançons ici est fondé sur des faits connus, et dont il ne tient qu’à toi de prendre connaissance.

Quant à ce que tu nous marques pour M. Cadot, nous osons te représenter qu’une année de dessin ne suffit pas pour entrer à l’école [polytechnique]. Nous te prions donc, si ton intention est que nous nous présentions aux examens, de nous permettre de prendre encore quelques mois de leçons, ne fût-ce que jusqu’aux vacances. Si tu accèdes à notre demande, daigne en informer M. Decotte le plus tôt que tu pourras, afin que nous n’éprouvions pas de trop longue interruption[1].


Au général Hugo.
22 juin 1816.

Ta lettre du 12 mai[2] nous prouve qu’on calomnie notre conduite, et que, quoi que nous fassions, on saura toujours nous donner tort près de toi ;

  1. Louis Belton. — Victor Hugo et son frère Eugène à la pension Cordier et Decotte et an Collège Louis-le-Grand.
  2. Nous n’avons pu retrouver cette lettre.