Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/298

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n’importe, il ne sera pas dit que par notre silence nous ayons avoué ce dont on nous accuse. Il est faux que nous n’ayons pas eu pour Mme Martin tous les égards que nous lui devons ; il est faux que nous lui ayons ri au nez quand elle nous a dit que tu te faisais mille privations pour nous, quand elle nous exposait ta position.

Quant à ce que nous t’avons marqué dans notre dernière lettre, nous croyons t’avoir dit que c’étaient des faits dont il ne tenait qu’à toi de prendre connaissance. En voici quelques-uns que nous pouvons encore y ajouter.

Mme Martin nous a dit qu’elle nous donnait 3 francs par mois de sa bourse, et dans le même temps tu nous écrivais : Je vous donne tant par mois pour vos menus plaisirs. Mme Martin, sous prétexte que tu lui as défendu de venir à la pension de deux mois (tout en lui envoyant des lettres à porter pour M. Decotte et pour nous), sous prétexte que tu as enfin remis à sa disposition le paiement des 3 livres qu’elle tirait si librement de sa bourse, Mme Martin dis-je, est restée un mois sans daigner s’informer de nos besoins, et depuis deux mois nous a retranché nos deux sous par jour ; encore a-t-elle eu la sage prévoyance de ne nous en prévenir qu’au premier juin.

Comme nous lui avons poliment représenté que, comptant sur cet argent, nous avions été dans la nécessité d’emprunter, tant pour payer nos chaises à l’église que pour faire repasser nos canifs, relier nos livres, acheter des instruments de mathématiques, elle nous a répondu qu’elle ne nous écouterait pas, et nous a ordonné impérieusement de sortir de la salle.

Elle ne le fera pas une seconde fois, mon cher papa. Nous aimons mieux renoncer à nos semaines que d’avoir désormais aucun rapport avec elle. Si cependant ton intention est que nous payions nos dettes, et que nous ne soyons pas tout à fait sans argent, nous te prions d’en charger Abel, plutôt que tout autre[1].


Au général Hugo.
12 novembre 1816.

Nous avons réfléchi sur tes propositions[2] ; permets-nous de te parler avec franchise, comme nous l’avons fait, et ne nous réponds qu’après avoir pesé nos raisons.

  1. Louis Belton. — Victor Hugo et son frère Eugène à la pension Cordier et Decotte et au collège Louis-le-Grand.
  2. Nous n’avons pu retrouver la lettre qui contenait ces propositions.