Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/546

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Ma renonciation étant absolue et définitive, je n’eus pas à m’occuper de ce que le ministre ferait de la pension. Aujourd’hui, tout en ne me reconnaissant aucun droit, quel qu’il soit, sur cette pension, je viens vous prier, dans le cas où le ministre aurait en effet persisté dans sa résolution et n’aurait disposé de ces fonds en faveur de personne, je viens vous prier, dis-je, d’en disposer, vous, monsieur le ministre, en faveur de Mlle Mercœur. Si vous y consentez, je me féliciterai doublement d’y avoir renoncé. Cette pension sera beaucoup mieux placée sur la tête de Mlle Mercœur que sur la mienne. Ces 2 000 francs, ajoutés à ce que reçoit déjà Mlle Mercœur, la feront vivre à peu près avec sa mère. Donnez-la-lui, monsieur le ministre ; ce sera une bonne œuvre. Nous serons heureux tous les deux, vous de l’avoir faite, moi de l’avoir conseillée.

Agréez, monsieur le ministre, l’assurance de ma considération distinguée.

Victor Hugo[1].


À Liszt[2].

Bonjour et merci. Votre lettre est charmante[3]. Je vous aime toujours de tout mon cœur. J’y vois à peine clair pour vous écrire, excusez-moi. Je crois par moment que je deviendrai aveugle ; mais la seule chose qui m’affligerait, quand je pense à vous, ce serait de devenir sourd.

Je vous serre la main.
Victor Hugo[4].


À Léopoldine.

Bonjour, ma Poupée, bonjour, mon cher petit ange. Je t’ai promis de t’écrire. Tu vois que je suis de parole.

J’ai vu la mer, j’ai vu de belles églises, j’ai vu de jolies campagnes. La mer est grande, les églises sont belles, les campagnes sont jolies ; mais les campagnes sont moins jolies que toi, les églises sont moins belles que ta maman, la mer est moins grande que mon amour pour vous tous.

Ma Poupée, j’ai donné bien des fois, en pensant à vous, mes petits, des sous à de pauvres enfants qui allaient pieds nus au bord des routes. Je vous aime bien.

  1. Copie. Archives de la famille de Victor Hugo.
  2. Liszt, compositeur et pianiste hongrois, a laissé des œuvres célèbres et jouées dans le monde entier.
  3. Le 31 mai Liszt, alors Bernay, avait écrit à Victor Hugo pour l’engager à venir passer une huitaine de jours avec lui « pour parcourir une grande partie de la Normandie. Nous partirions ensemble, et je reviendrais avec vous. Ce seraient vraiment des jours de fête pour moi ! Nous marcherions du matin au soir, votre santé s’en trouverait bien… Dans un mois au plus tard je vous retrouverai place Royale. — Vous aurez fait quelque chef-d’œuvre d’ici là… »
  4. Le Figaro littéraire, 24 mai 1930.