Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/562

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David vous a donné mon buste. J’en félicite mon buste : il va assister désormais à vos causeries d’intimité et de famille ; je l’envie.

Au milieu de ce tumulte dont mes ennemis remplissent ma vie, je me suis muré un petit sanctuaire où je regarde sans cesse ; c’est là que sont ma femme et mes enfants, le côté doux et heureux de ma destinée.

Venez donc nous voir cet hiver. Venez avec Théodore, venez avec votre excellent père. Je ne dis pas : venez avec votre femme, car il me semble que quand c’est à vous que je parle, venez dit tout.


1838.


À Monsieur Anténor Joly,
directeur du théâtre de la Renaissance[1].


19 janvier 1838.

J’ai vu hier soir Dumas, mon cher Anténor. Il était très monté, je vous expliquerai pourquoi et comment. Je l’ai rassuré pleinement, je lui ai dit ce que je vous ai dit tant de fois à vous-même : que nous serions à votre théâtre tous les deux sur le pied d’une entière égalité ; que je supporterais fort bien des préférences pour lui, mais que je n’en voulais pas pour moi ; enfin, que je le considérais, ce qui est vrai, comme indispensable au bon établissement de ce théâtre ouvert à tous et pour tous. Tout cela qui est, comme vous savez, ma vraie et loyale pensée, a dissipé le nuage qui était fort gros et fort noir dans son esprit. Voyez-le, il vous croit froid pour lui. Parlez-lui comme je l’ai fait. J’ai vu aussi Mlle Ida[2], qui avait également besoin d’être rassurée. Je lui ai dit que je ne doutais point de vos intentions à son égard. Je vous conterai la chose en détail, quand je vous verrai. Je crois avoir bien fait en tout, et que vous m’approuverez. Vous savez que je regarde le concours de Dumas comme absolument nécessaire, et une rupture était imminente. Je vous expliquerai tout la première fois. Il y a aussi bien des petites choses que je vous dirai, car vos intérêts me sont aussi chers que les miens propres.

Je vous serre la main et suis tout vôtre du fond du cœur.

V. H.[3]
  1. Anténor Joly, directeur du journal Le Vert-Vert, obtint, par l’entremise de Victor Hugo, le privilège nécessaire à l’ouverture d’un théâtre ; il acquit et fit transformer la salle Ventadour qui devint le théâtre de la Renaissance, inauguré le 8 novembre 1838, avec Ruy Blas. L’Alchimiste, d’Alexandre Dumas, suivit immédiatement.
  2. Mlle Ida, actrice, était la maîtresse d’Alexandre Dumas ; elle avait, en 1833, joué le rôle de Jane dans Marie Tudor.
  3. Archives de la famille de Victor Hugo.