Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/180

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Ne tombez pas, vous ferme intelligence, dans l’enfantillage légitimiste. Voyez le véritable avenir. Votre œil est fait pour regarder fixement ce soleil-là.

Vivez, en vous disant que ma pensée ne se détache pas de vous, même dans le silence absolu.

Ne faites rien d’irréparable.

Surtout, restez vous-même. Gardez la fierté de votre esprit. Pas de concessions à l’entourage. Que des hommes quelconques vous entourent, passe ; mais qu’ils vous dominent, non ! Jamais ! ne le permettez pas. Vous êtes trop haut pour cela ; c’est le triomphe des petits êtres de grimper sur le dos des esprits supérieurs ; ne leur souffrez pas ces familiarités. Ne vous laissez pas imposer d’opinions par eux sur quoi que ce soit, ni sur moi, ni sur rien. Quand on songe à ce que vous êtes, et qu’on s’aperçoit de leur influence sur vous, cela navre. C’est triste de voir la bave des limaçons sur une rose. C’est triste de voir l’empreinte de la patte de l’oison sur l’aile de l’aigle.

Ne montrez ceci à personne.

Votre lettre a froissé la femme qui l’a reçue et qui vous aime et vous estime. Écrivez-lui en une autre pour l’effacer[1].


À Noël Parfait.


Marine-Terrace, 29 octobre [1853].

Que devenez-vous ? que devient Bruxelles ? que devient le boulevard Waterloo ? Quant à Dumas, nous avons de ses nouvelles. Il nous tombe chaque matin une page étincelante qui nous dit : le bon cœur et le grand esprit se portent bien. Votre dernière lettre nous a charmés, cher proscrit ; c’était un charmant petit journal intime qui ressemblait à votre sourire. Charles disait : c’est Parfait. — Et nous répétions tous ce calembour auquel le bon Dieu vous a attaché.

Vous avez eu, il y a quelque chose comme deux mois, une ravissante fête de nuit ; La Presse nous l’a racontée d’après L’Indépendance belge (article signé d’un D majuscule et d’un esprit charmant qui signifient Deschanel) ; puis ladite fête m’est revenue toute chaude de New-York par le Républicain,, de Californie par le Messager de San-Francisco, de Rio-Janeiro par le Correio national et de Québec par le Moniteur canadien. Contez la chose à Dumas

  1. Archives de la famille de Victor Hugo. Brouillon.