Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/181

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pour qu’il voie que ses fêtes ont autant de succès que ses livres. Contez-la aussi à Deschanel qui ne sera point fâché d’avoir été réimprimé par les quatre points cardinaux.

L’équinoxe souffle énergiquement ici ; mais c’est égal, nous vivons dans un calme profond ; le ciel pleure, la mer gueule dans les rochers, le vent rugit comme une bête, les arbres se tordent sur les collines, la nature se met en fureur autour de moi ; je la regarde dans le blanc des yeux et je lui dis : — De quel droit te plains-tu, nature, toi qui es chez toi, tandis que moi qui suis chassé de mon pays et de ma maison, je souris ? — - Voilà mes dialogues avec la bise et la pluie. Usez-en de votre côté dans l’occasion.

Le livre que vous savez[1] va enfin paraître. Quand vous verrez tous mes amis si chers, Charras, Deschanel, Place, Laussedat, Labrousse, Madier, notre éloquent et courageux Madier, — serrez pour moi toutes ces mains. Mettez-moi aux pieds de madame Parfait et de mademoiselle Marie[2]. Et puis je suis à vous de tout mon cœur[3].


À Gustave Flaubert.


Marine-Terrace, 15 9bre [1853].

Comment vous remercier, monsieur ?

En abusant. Que voulez-vous ? C’est M. Bonap. qui vous vaut toutes ces lettres et toute cette peine. Ajoutez ce grief aux autres.

Voici notre hiver commencé. Un brouillard gris est sur la mer. Je regarde les voiles qui passent à l’horizon et je songe aux choses charmantes que vous m’en dites. Ce sont les oiseaux de l’eau ; je leur souris comme Pétrarque aux colombes ; Pétrarque disait : parlez de moi à ma maîtresse. Je leur dis : parlez de moi à ma patrie.

Excusez cette forme sauvage, je fais de ma lettre l’enveloppe pour que le paquet ne soit pas trop gros. Est-ce que vous voulez toujours bien transmettre cette lettre à Paris ?

Je vous envoie cette chanson encore inédite, extraite du volume, maintenant imminent. Cela sera intitulé Châtiments.

Er puis, comme Luther mourant je dis : gigas fio, et j’en profite pour vous serrer la main par-dessus la mer[4].

  1. Les Châtiments.
  2. Marie Dumas, fille d’Alexandre Dumas.
  3. Archives de la famille de Victor Hugo.
  4. Collection Spoelberch de Lovenjoul.