Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me dites de m’attendre à ceci : ce livre est républicain, la presse absolutiste l’attaquera ; ce livre est libre-penseur, la presse catholique l’attaquera ; ce livre est honnête, la presse bonapartiste l’attaquera. Vraiment ! croyez-vous ? Quoi ! Je glorifie le droit, la liberté, la raison, Pontmartin ne dira pas amen ; je guerroie le despotisme, Grosguillot ne se prosternera pas ! Je dis son fait au papisme, Veuillot ne baisera pas le talon de ma botte ! Eh bien, non, cela ne m’étonne pas. Vous me dites, en frémissant, de m’y attendre. Je m’y attendais. J’écrirais d’avance les articles qu’on fera : hideux ! monstrueux ! absurde ! criminel ! abominable ! barbare ! et qui plus est, usé, banal, ennuyeux, assommant, mort. Voilà les épithètes. Le reste est affaire de style et d’arrangement.

J’ajoute que le parti du passé en littérature, prêtera main-forte au parti du passé en politique. Or rien de tout cela ne m’effraie. Parfait est démoralisé comme vous, je le regrette, parce que la veille du combat, on voudrait n’avoir que des auxiliaires confiants dans la victoire. Mais qu’y puis-je faire ? Je serai mollement défendu, dites-vous. Ah ! ceci vous regarde un peu, vous, vous surtout, mon éditeur, qui êtes en même temps un critique profond à ses heures et un écrivain charmant toujours. Aussi j’avoue franchement que je vous aimerais mieux en ce moment à Paris qu’à Spa.

Tenez, je n’attache, vous le savez, je le crois, qu’un prix médiocre à l’effet du moment. Un livre finit toujours par avoir, en gloire ou en oubli, ce qu’il mérite. Le succès du moment regarde surtout l’éditeur et dépend aussi un peu de lui. Quant aux attaques, c’est ma vie quant aux diatribes, c’est mon pain !

Je trouve très bon votre plan de distribution des citations ; communiquez-le à Meurice. Sans nul doute, vous serez d’accord.

Quant au coup de boulet à vide, je le regrette comme vous. Je suis de votre avis, en tout cas, une pièce suffisait. Voici une lettre de Claye qui explique la hâte. Tout cela, du reste, n’a pas marché comme vous, Meurice et moi l’aurions désiré. C’est à réparer.

Quant à la couverture pour Bruxelles, mettez mon catalogue à moi sur le verso du tome Ier et votre catalogue pour l’étranger sur le verso du tome II. J’avais dit qu’on me l’envoyât. Je regrette de ne pas l’avoir reçue. Veillez, je vous prie, à ce que la couverture de Paris soit comme je l’ai indiquée.

Le 16 vous convient pour la publication. Il me convient aussi. Nous sommes, quant à l’amnistie, tout à fait d’accord. Je n’ai parlé qu’en ce qui me concerne, le 16 août, ne voulant engager personne que moi. Mais je compte bien revenir sur cette énormité. Allons, bon courage, et en avant ! Lutter, c’est vivre[1].

  1. Publiée en partie dans La Légende des Siècles. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale. — Collection Jules Hetzel.