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autour de moi dans ma maison de Guernesey. C’est de ce modeste arrangement que vous avez fait un chef-d’œuvre. Vos douze admirables eaux-fortes sont tout un petit poëme où ma maison m’apparaît comme transfigurée. Rien pourtant n’est plus exact, et la ressemblance est extrême, mais telle est la puissance de l’art et tel est le talent de l’artiste que mon cottage me semble à moi-même presque un palais. En regardant vos magnifiques estampes à la fois si vigoureuses et si délicates, je me retrouve chez moi en même temps que je me sens chez vous. Il me semble que vous donnez l’hospitalité à ma maison. Vous l’introduisez dans l’art. Permettez-moi, monsieur, d’oublier qu’il s’agit de moi, et d’applaudir avec le public.

Recevez, je vous prie, l’assurance de mes sentiments très distingués.

Victor Hugo[1].


Au général Garibaldi, à Caprera[2]


Hauteville-House, 20 décembre 1863.
Cher Garibaldi,

Nous avons foi tous les deux, et notre foi est la même. La renaissance des nations est infaillible. Quant à moi, j’ai la conviction profonde que, l’heure venue, peu de sang sera versé. L’Europe des Peuples fara da se. Les révolutions, même les plus heureuses et les plus nécessaires, ont leur responsabilité, et vous êtes comme moi, de ceux qui redoutent pour elles le poids

  1. Lettre reliée dans le volume : Chez Victor Hugo, par Maxime Lalanne. Collection Louis Barthou.
  2. Réponse de Garibaldi à la lettre du 18 novembre :
    Caprera, 25 novembre 1863.
    « Cher Victor Hugo,
    J’étais sûr de votre offre, vous devez l’être de ma reconnaissance.
    Ce que vous me dites est juste, et je voudrais avoir un million d’âmes, qui rendrait inutile le million de fusils. Je voudrais avoir la foi universelle, qui rendrait inutile la guerre. J’attends aussi avec confiance comme vous la secousse des peuples, mais arriver à la vérité sans douleur et parcourir la voie triomphale de la Justice sans l’arroser de sang humain, c’est là l’Idéal qui nous fatigue tous en vain.
    À vous — qui apportez la lumière — le soin d’éclairer un chemin moins farouche et à nous celui de vous suivre.
    Pour le moment adieu.
    Votre ami pour la vie,
    G. Garibaldi.
    Gustave Simon. Revue mondiale, 1er décembre 1922.