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À M. Alexandre Laya.


Hauteville-House, 3 juin 1865.

C’est, monsieur, le 31 mai, il y a quatre jours seulement, que votre livre excellent m’est parvenu. Je l’ai lu avec émotion, et aussi avec reconnaissance, car vous me citez dans un de vos plus remarquables chapitres (abolition de la surveillance légale)[1]. Vous avez, monsieur, la science du juriste et l’initiative du philosophe ; ceci est la double force de votre livre. Vous mettez hardiment et noblement à nu ces misères organiques que vous nommez avec une éloquente énergie : Les Plaies légales. Vous réclamez contre ce que j’ai appelé un jour à la tribune : l’irréparable et l’indissoluble ; deux murailles terribles, que l’homme n’a pas le droit de construire et qu’il édifie pourtant, l’une dans la loi pénale, l’autre dans la loi sociale. Vous apportez à votre tour votre protestation contre l’iniquité rédigée en code. C’est bien, en attendant mieux… Vous verrez ce beau succès et vous en aurez votre part.

Je vous serre la main,

Victor Hugo[2].


À Philippe Burty.


Hauteville-House, 4 juin 1865.
Cher monsieur,

Vous n’avez pas reçu en vain une charmante et profonde intelligence, vous devez tout comprendre, même qu’on soit en retard avec un homme comme vous, même qu’on réponde le 4 juin à une lettre du 4 janvier. Tout m’est parvenu ; vous êtes un tentateur ; vous m’envoyez tout ce qui peut m’attirer dans l’eau-forte ; j’y penche, vous, vous voulez m’y faire tomber. Je résiste le plus que je peux. Ce travail me charmerait, mais ai-je du temps pour mon plaisir, moi qui ai à peine le temps pour mon devoir ? Je suis levé à cinq heures du matin, je travaille sans cesse, et vous voyez qu’en dépit de ma bonne volonté, une réponse de moi se fait attendre six mois. Je suis bien content que mon dessin carte de visite vous ait fait plaisir. C’est

  1. L’auteur fait allusion à Jean Valjean sortant du bagne et repoussé de partout.
  2. Le Figaro. 9 juin 1865.