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LE MANUSCRIT DU RHIN.

a suivi cette délicieuse route ». Le beau développement sur la Champagne et les Champenois a été ajouté après.

La lettre se termine ainsi :

« … Je me hâte de fermer cette interminable lettre, mon Adèle. Demain je me rabattrai sur Paris, et dans quatre jours je vous embrasserai tous. Ce sera une bien vive joie pour moi et si je te vois un peu heureuse, je serai bien heureux. À bientôt, mon Adèle. À bientôt, ma Didine. À bientôt, vous tous. Je vous aime. »

Cette lettre est, dans le livre, la dernière qui appartienne à l’excursion de 1838.


LETTRE IV. — De Villers-Cotterets à la frontière.

Avec la Lettre IV commence en réalité le voyage de 1840. La première page porte en tête : Journal de mon voyage. La lettre originale commence ainsi :

« C’est dans l’après-midi d’avant-hier, comme je te l’ai écrit, que j’ai quitté Paris. Je suis sorti par la barrière de la Villette, et j’ai laissé à ma gauche Saint-Denis, Montmorency, et tout à l’extrémité des collines le coteau de Saint-Prix. Je vous ai donné à ce moment-là une bonne et tendre pensée à tous, mes bien-aimes, et j’ai tenu mes regards fixés sur cette petite ampoule obscure au fond de la plaine jusqu’à ce qu’un tournant du chemin me l’ait brusquement cachée. »

Il faut noter que Mme Victor Hugo est installée, avec ses enfants, à Saint-Prix.


Hugo, Le Rhin, manuscrit, folio 37r (détail : croquis du clocher du grand Givet)

LETTRE V. — Givet.

[Page 48.] « … Le clocher du petit Givet est une simple aiguille d’ardoise ; quant au clocher du grand Givet, il est d’une architecture plus compliquée et plus savante. Voici évidemment comment l’inventeur l’a composé.

« Le brave architecte a pris un bonnet carré de prêtre ou d’avocat. Sur ce bonnet carré, il a échafaudé un saladier renversé ; sur le fond de ce saladier devenu plate-forme, il a posé un sucrier ; sur le sucrier, une bouteille ; sur la bouteille un soleil emmanché dans le goulot par le rayon inférieur vertical ; et, enfin, sur le soleil, un coq embroché dans le rayon vertical supérieur. En supposant qu’il ait mis un jour à trouver chacune de ces idées, il se sera reposé le septième jour.

« Cet artiste devait être flamand.

« Depuis environ deux siècles les architectes flamands se sont imaginé que rien n’était plus beau que des pièces de vaisselle et des ustensiles de cuisine élevés à des proportions gigantesques et titaniques.

« Aussi, quand on leur a donné des clochers à bâtir, ils ont vaillamment saisi l’occasion et se sont mis à coiffer leurs villes d’une foule de cruches colossales. »