Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/406

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contourné, fleuri, coquet, ambré, charmant. Le papier-tenture imite le damas qu’il a remplacé ; le pavé en briques et en pierre imite la mosaïque. Partout de beaux Christs d’ivoire, des Madeleines pâmées, des miroirs penchés, des sofas à gros coussins, des toilettes à pieds de bouc, des encoignures à tablettes de brèche d’Alep ; un jour éclatant, des recoins mystérieux ; des meubles inconnus et variés ; les prêtres qui vont et viennent ; les chasubles étincelantes dans les tiroirs entr’ouverts ; je ne sais quel parfum de marquis, je ne sais quelle odeur d’abbé, voilà la sacristie de Pampelune.

C’est un digne évêque, le cardinal Antonio Zapata, qui a fait cette galanterie à la cathédrale. La transition est brusque ; c’est presque un choc. Dante est dans le cloître, madame de Pompadour est dans la sacristie.

Après tout, là encore, une chose complète l’autre, et l’harmonie est au fond. La sacristie invite au péché, et le cloître à la pénitence.

Déjà les messes se disaient dans toutes les chapelles, et l’église se remplissait de fidèles, de femmes surtout. J’en ai fait le tour une dernière fois.

Du côté du grand portail, le chœur est garanti par une grosse muraille à laquelle est adossé un tombeau de marbre blanc. L’épitaphe, en lettres d’or presque effacées, indique que là est la dépouille de ce brave Jean Bonaventure Dumont, comte de Gages, qui battit en maintes rencontres les impériaux et M. de Savoie en personne.

L’une de ces rencontres fait une très belle bataille qu’on voit sculptée en bas-relief au-dessus de l’épitaphe. Il y a là des canons braqués, des chevaux qui se cabrent, des officiers qui commandent, d’épais bataillons qui croisent leurs piques et ressemblent à des broussailles que mêlerait un vent furieux. Rien d’étrange comme cette mêlée pétrifiée et muette, immobile à jamais dans cette sombre église où l’on entend de temps en temps la crécelle faible et intermittente de l’enfant de chœur.

Ce grand tumulte que fait la bataille et ce grand silence que fait le tombeau laissent dans le cœur un grave enseignement. Voilà donc ce que c’est que la gloire des hommes de guerre dans la mort ! Elle se tait. La gloire des poëtes et des penseurs chante et parle éternellement.

Tandis que je rêvais je ne sais quelle rêverie devant cette sépulture, un bruit d’orgue et un chant violent, lugubre et sauvage, éclatant tout à coup à ma gauche dans une chapelle voisine, m’ont fait tourner la tête.

Une bière, que sans doute on venait d’apporter, était posée à terre sur la dalle. On en voyait le bois, à peine caché par un drap noir râpé et troué. Quatre cierges brûlaient à l’entour; trois pains ronds étaient rangés sur une planche à terre, à côté de la tête du cercueil. À quelques pas vers la droite flamboyaient quatre grosses torches de résine dont la réverbération me montrait confusément, dans une chapelle obscure, le prêtre en chasuble