effraction. Il a gardé son chapeau sur la tête devant les couronnes. Cette impolitesse a commencé à Campo-Formio. « Voilà donc la paix faite, lui écrivait Talleyrand, une paix à la Bonaparte. » — Quant à sa couronne, lorsqu’il en a eu une, la façon dont il l’a portée était révolutionnaire. Il a été César anarchiquemënt. Il a eu une manière à lui d’être empereur, manière désagréable aux empires. Napoléon a été la maladie du vieux monarchisme. L’empire d’Allemagne est mort de l’empereur des français. L’antique principe d’autorité héréditaire et légitime a râlé sous ces gigantesques bottes à l’écuyère. Être écrasé, c’est peu ; il a été aplati ; le règne de cet écolier de Brienne a été la brimade des rois. Ce casseur de prestiges malmenait les altesses, malmenait les majestés, malmenait le czar, malmenait le kayser, malmenait le pape, malmenait le trône, malmenait l’autel, malmenait le seigneur, malmenait les oints. Il fut digne de s’appeler Buonaparte. Il supprimait les droits divins par décret au Moniteur. La maison de Bragance a cessé de régner. Il a fait pis et mieux. Il a poussé la familiarité avec les trônes jusqu’à y mettre, tantôt un sergent aux gardes, tantôt un postillon d’écurie, et, une fois couronnés, le sergent et le postillon faisaient, chose terrible, fort bonne figure de rois. Il ne s’en tint pas là. Un beau jour, ce petit lieutenant d’artillerie épousa carrément la fille du droit divin. Il se crut de maison à cela, et la chose se fit. La grâce de Dieu se maria avec l’aventure. Le droit divin s’encanailla avec la victoire. Il y eut mixtion des augustes sangs avec la roture d’Austerlitz. Ce fut lamentable. Une fois la déroute des mésalliances commencée, elle ne s’arrêta plus ; elle tomba à Jérôme, elle tomba à Bernadotte, elle tomba à Berthier. Ferdinand VII implora-la main d’une Ramolino. Il y eut croisement forcé des vieux trônes avec les nouveaux. Quant à Napoléon, il ne se contenta pas du mariage ; il le lui fallut avec prologue, il l’assaisonna d’un peu d’assaut ; ce mousquetaire de la révolution chiffonna une archiduchesse ; Notre-Dame n’eut que les restes. Disons-le, il y eut plus de royauté décapitée à Compiègne un certain jour d’avril 1810 qu’il n’y en avait eu sur la place de la Concorde le 21 janvier 1793. Le marmot thébain secouait la peau du monstre, et criait : citoyen, il n’y a rien dedans. Napoléon a secoué la peau du droit divin. Il a joué au dogme monarchique ce tour de mettre en pleine lumière Orioff au Nord et Godoy au Sud. Il a été, nous venons de le dire, malhonnête avec le spectre. Ajoutons un détail. Un jour à Bayonne, Charles IV d’Espagne lui disait : mes vingt-quatre sceptres. — Vos vingt-quatre sceptres ! s’écrie l’empereur, j’aime mieux la canne de Polichinelle. Ce fait a été raconté au général H... par qui ? par le roi Joseph, héritier momentané des vingt-quatre sceptres. Napoléon a qualifié la couronne bourrelet d’enfant. Il a dit à Pie VII lui faisantcadeau d’un globe impérial bénit : que voulez-vous que je fasse de cette boule ? Il a appelé le trône sapin. Ce mot s’applique aussi
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