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POST-SCRIPTUM DE MA VIE.

l’accompagnement, sonat cum. Détail frappant et qui montre.de quelle façon vive une vérité une fois trouvée fait sortir de l’ombre toutes les autres, la musique instrumentale est propre aux pays à consonnes, c’est-à-dire au Nord, et la musique vocale aux pays à voyelles, c’est-à-dire au Midi. L’Allemagne, terre de l’harmonie, a des symphonistes ; l’Italie, terre de la mélodie, a des chanteurs. Ainsi, le Nord, la consonne, l’instrument, l’harmonie ; quatre faits qui s’engendrent logiquement et nécessairement l’un de l’autre, et auxquels répondent quatre autres faits parallèles : le Midi, la voyelle, le chant, la mélodie.

Que sort-il de la mer, de la forêt, de l’ouragan ? une harmonie. Et de l’oiseau ? une mélodie.

[1838-1840.]

Ne dédaignez pas les grammairiens. Ce sont des ouvriers utiles.

Ils réparent et raccommodent la langue, incessamment ravagée et effondrée par ces lourdes charrettes de prose et d’éloquence que la presse, le barreau et la tribune font partir chaque matin pour les quatre coins de la France, et il faut le dire aussi, ébranlée quelquefois, mais d’une autre manière, par le passage royal des grands écrivains.

Ils pavent la grande route des idées.

[1840-1842.]

Le style filandreux des rhéteurs et des avocats est une glu ou la pensée, cet oiseau divin, se prend les pieds et quelquefois les ailes.

[1840-1842.]

Le style pour le langage est comme la beauté pour la chair, un don, le don suprême. On a un visage et pas de beauté, on a une pensée et pas de style. Celui qui a le style et celle qui a la beauté sont les rois de ce monde.

[1845-1848.]

Une certaine école de critique qui a duré deux ou trois ans affirmait avec un air de certitude, grave alors, comique aujourd’hui, que tel ou tel écrivain « n’avait que la forme ». Ceci était un simple non-sens. La forme de quoi ? la forme de rien ? Est-ce que rien peut avoir une forme ? Il n’est pas plus possible d’avoir le style sans avoir la pensée que d’avoir la beauté sans avoir un visage.

[1845-1848.]