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POST-SCRIPTUM DE MA VIE.

Où sont les abîmes ? où sont les escarpements ? Pourquoi nous contentons-nous des aspects plats de cette terre et de cette vie ? Il doit y avoir quelque part des trous effrayants, déchirures de l’infini, avec d’énormes étoiles au fond, et des lueurs inouïes.

[1848-1852.]

La contemplation nous révèle l’infini ; la méditation nous révèle l’éternité.

La notion de l’infini nous arrive du monde extérieur ; la notion de l’éternité se dégage pour nous du monde intérieur.

Or, infini et éternel ce sont là les deux aspects de Dieu.

Pour voir Dieu sous le premier aspect, nous regardons dans la création. Pour le voir sous le deuxième aspect, nous regardons dans notre âme.

[1840-1844.]

Dieu est éternel. L’âme est immortelle. L’âme, c’est l’ange.

Ne confondez pas l’éternité avec l’immortalité. Expliquez-vous ce que c’est que l’immortalité.

La création est une ascension perpétuelle, de la brute vers l’homme, de l’homme vers l’ange, de l’ange vers Dieu. Dépouiller de plus en plus la matière, revêtir de plus en plus l’esprit, telle est la loi.’À chaque fois qu’on meurt, on gagne un peu plus de vie.

Les âmes, — les anges, — passent d’une sphère à l’autre, sans perdre leur moi, deviennent de plus en plus lumière, se rapprochent ; sans cesse de Dieu.

Quoi ! les anges se rapprochent de Dieu sans cesse, toujours, par une série non interrompue de transformations, d’un mouvement perpétuel et continu ?

Oui.

Mais alors il viendra un jour, une heure, où à force de se rapprocher de Dieu, ils l’atteindront et se fondront en luij alors ils perdront leur moi, en d’autres termes, ils mourront.

Écoutez :

Le jour où l’asymptote rencontrera l’hyperbole, l’ange rencontrera Dieu.

Le point de jonction est dans l’infini.

Se rapprocher toujours, n’atteindre jamais, c’est la loi de l’asymptote, c’est la loi de l’ange, c’est la loi de l’âme.

C’est cette ascension sans fin, c’est cette perpétuelle poursuite de Dieu, qui est son immortalité.

[1844-1848.]