Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Philosophie, tome II.djvu/629

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arrivera toujours, et s’il advenait que toutes les étoiles s’éteignissent dans le ciel, nous ne le saurions jamais. Nous verrions pendant l’éternité ces profondes étoiles mortes.

Le seul phénomène apparent et qui, pour être constaté, voudrait être observé pendant des milliers d’années, serait celui-ci : les grandes étoiles visibles à l’œil nu disparaîtraient peu à peu l’une après l’autre, et la Voie Lactée, devenue informe, envahirait tout le ciel. L’immensité serait une nébuleuse.

IX

Est-ce tout ?

Jamais.

Quel véhicule voulez-vous ?

La locomotive fait quinze lieues à l’heure.

L’ouragan fait soixante lieues à l’heure.

Le boulet de canon fait sept cents lieues à l’heure.

La locomotive se traîne.

L’ouragan boite.

Le boulet de canon est une tortue.

Enfourchez le rayon de lumière.

C’est là une monture quatre mille fois plus rapide que le boulet de canon, quatre millions deux cent mille fois plus rapide que l’ouragan et dix-sept millions de fois plus rapide que la locomotive.

Elle fait, vous le savez, soixante-dix mille lieues par seconde.

Partez.

Allez sur le rayon de lumière en huit minutes de la terre au soleil, allez en quatre heures du soleil à Oceanus, allez en trois ans et huit mois d’Oceanus au Centaure, allez en vingt-huit ans du Centaure à l’Étoile Polaire, allez en seize mille huit cents ans de l’Étoile Polaire à la Voie Lactée, allez en cinq millions d’années de la Voie Lactée à la nébuleuse du Chien de chasse, vous n’aurez point encore fait un pas.

Les apparitions d’univers recommenceront.

L’insondable restera devant vous, tout entier.

Au delà du visible l’invisible, au delà de l’invisible l’inconnu.

Partout, toujours, au zénith, au nadir, en avant, en arrière, au-dessus, au-dessous, en haut, en bas, le formidable infini noir.

Et tout ceci ne serait encore qu’un des deux aspects de la vision sublime.

À côté de l’infini de l’espace, il y a l’infini de la durée.