Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/219

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GUNICH.

Mais lisez, monseigneur.

Mais lisez, monseigneur. Lui montrant le sonnet.

Mais lisez, monseigneur. — … Vos appas… Vos attraits… —
Donc vous voulez charmer ! Donc vous désirez plaire !

Gallus jette le papier au feu.
GALLUS.

Tu me feras crever de joie et de colère.
Tudieu ! quel animal réjouissant ! Comment !
Parce qu’étant poëte, un peu, suffisamment
Pour égaler, si bon me semble, qui ? Virgile,
Je bâcle un vers ou deux, je meurs d’amour ! Mais, Gille !
Un poëte est un être indifférent, divers,
Qui s’exerce à viser un cœur avec un vers,
Qui prend pour but d’une ode une femme quelconque,
Et qui, tout en criant : C’est Vénus dans sa conque !
C’est Léda sur son cygne ! Hébé ! Turlututu,
Ne veut pas plus charmer cette femme, vois-tu,
Qu’un archer dans un tir ne veut tuer la cible.
La cible est en carton. La femme aussi. L’horrible,
C’est d’avoir pour laquais un baron saugrenu
Tel que toi, marié jadis, jadis cornu,
Croyant aux vers ! Le vrai poëte est impassible.
Si les sonnets comptaient, tout serait impossible.
Être forcé d’aimer, parce que ça rime !

GUNICH.

Être forcé d’aimer, parce que ça rime ! Oui.
Au fond, c’est vrai. La rime est piège.

GALLUS.

Au fond, c’est vrai. La rime est piège. Homme inouï,
Apprends tout. Ce sonnet, pour comble d’aventure,
Zabeth l’a dans les mains !

GUNICH.

Zabeth l’a dans les mains ! Mais d’une autre écriture.
Gageons.