Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/225

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Le jeune homme, livré à ses rêveries, s’appuya machinalement sur cet autel, dont la bouche de pierre était brunie, tant elle avait bu profondément le sang des victimes humaines.

Tout à coup il tressaillit ; une voix, qui semblait sortir de la pierre, avait frappé son oreille :

— Jeune homme, c’est avec des pieds qui touchent au sépulcre que tu es venu dans ce lieu.

Il se leva brusquement, et sa main se jeta sur son sabre, tandis qu’un écho, faible comme la voix d’un mort, répétait distinctement dans les profondeurs de la grotte :

— Jeune homme, c’est avec des pieds qui touchent au sépulcre que tu es venu dans ce lieu.

En ce moment, une tête effroyable se leva de l’autre côté de l’autel druidique, avec des cheveux rouges et un rire atroce.

— Jeune homme, répéta-t-elle, oui, tu es venu dans ce lieu avec des pieds qui touchent au sépulcre.

— Et avec une main qui touche une épée, répondit le jeune homme sans s’émouvoir.

Le monstre sortit entièrement de dessous l’autel, et montra ses membres trapus et nerveux, ses vêtements sauvages et sanglants, ses mains crochues et sa lourde hache de pierre.

— C’est moi, dit-il avec un grondement de bête fauve.

— C’est moi, répondit Ordener.

— Je t’attendais.

— Je faisais plus, repartit l’intrépide jeune homme, je te cherchais.

Le brigand croisa les bras.

— Sais-tu qui je suis ?

— Oui.

— Et tu n’as point de peur ?

— Je n’en ai plus.

— Tu as donc éprouvé une crainte en venant ici ? — Et le monstre balançait sa tête d’un air triomphant.

— Celle de ne pas te rencontrer.

— Tu me braves, et tes pas viennent de trébucher contre des cadavres humains !

— Demain, peut-être, ils trébucheront contre le tien.

Un tremblement de colère saisit le petit homme. Ordener, immobile, conservait son attitude calme et fière.

— Prends garde ! murmura le brigand, je vais fondre sur toi, comme la grêle de Norvège sur un parasol.