Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 3.djvu/126

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l’oreille d’obscurité où parle l’instinct. Dans cette oreille amplifiante des voix inconnues lui faisaient des offres. Si pur que soit le jeune homme qui rêve d’amour, un certain épaississement de chair finit toujours par s’interposer entre son rêve et lui. Les intentions perdent leur transparence. L’inavouable voulu par la nature fait son entrée dans la conscience. Gwynplaine éprouvait on ne sait quel appétit de cette matière où sont toutes les tentations, et qui manquait presque à Dea. Dans sa fièvre, qui lui semblait malsaine, il transfigurait Dea, du côté périlleux peut-être, et il tâchait d’exagérer cette forme séraphique jusqu’à la forme féminine. C’est de toi, femme, que nous avons besoin.

Trop de paradis, l’amour en arrive à ne pas vouloir cela. Il lui faut la peau fiévreuse, la vie émue, le baiser électrique et irréparable, les cheveux dénoués, l’étreinte ayant un but. Le sidéral gêne. L’éthéré pèse. L’excès de ciel dans l’amour, c’est l’excès de combustible dans le feu ; la flamme en souffre. Dea saisissable et saisie,