Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 3.djvu/127

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la vertigineuse approche qui mêle en deux êtres l’inconnu de la création, Gwynplaine, éperdu, avait ce cauchemar exquis. Une femme ! Il entendait en lui ce profond cri de la nature. Comme un Pygmalion du rêve modelant une Galatée de l’azur, il faisait témérairement, au fond de son âme, des retouches à ce contour chaste de Dea ; contour trop céleste et pas assez édénique ; car l’éden, c’est Ève ; et Ève était une femelle, une mère charnelle, une nourrice terrestre, le ventre sacré des générations, la mamelle du lait inépuisable, la berceuse du monde nouveau-né ; et le sein exclut les ailes. La virginité n’est que l’espérance de la maternité. Pourtant, dans les mirages de Gwynplaine, Dea jusqu’alors avait été au-dessus de la chair. En ce moment, égaré, il essayait dans sa pensée de l’y faire redescendre, et il tirait ce fil, le sexe, qui tient toute jeune fille liée à la terre. Pas un seul de ces oiseaux n’est lâché. Dea, pas plus qu’une autre, n’était hors la loi, et Gwynplaine, tout en ne l’avouant qu’à demi, avait