Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 3.djvu/129

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l’exception ; être possédé de la femme, c’est la règle. Tout homme subit cette aliénation de soi-même. Quelle sorcière qu’une jolie femme ! Le vrai nom de l’amour, c’est captivité.

On est fait prisonnier par l’âme d’une femme. Par sa chair aussi. Quelquefois plus encore par la chair que par l’âme. L’âme est l’amante ; la chair est la maîtresse.

On calomnie le démon. Ce n’est pas lui qui a tenté Eve. C’est Ève qui l’a tenté. La femme a commencé.

Lucifer passait tranquille. Il a aperçu la femme. Il est devenu Satan.

La chair, c’est le dessus de l’inconnu. Elle provoque, chose étrange, par la pudeur. Rien de plus troublant. Elle a honte, cette effrontée.

En cet instant-là, ce qui agitait Gwynplaine et ce qui le tenait, c’était cet effrayant amour de surface. Moment redoutable que celui où l’on veut la nudité. Un glissement dans la faute est possible. Que de ténèbres dans cette blancheur de Vénus !