Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 3.djvu/151

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mêlée à sa vanité satisfaite. Que faire ? Le jour vint. Il entendit Ursus se lever, et n’ouvrit pas les paupières. Aucune trêve cependant. Il songeait à cette lettre. Tous les mots lui revenaient dans une sorte de chaos. Sous de certains souffles violents du dedans de l’âme, la pensée est un liquide. Elle entre en convulsions, elle se soulève, et il en sort quelque chose de semblable au rugissement sourd de la vague. Flux, reflux, secousses, tournoiements, hésitations du flot devant l’écueil, grêles et pluies, nuages avec des trouées où sont des lueurs, arrachements misérables d’une écume inutile, folles ascensions tout de suite écroulées, immenses efforts perdus, apparition du naufrage de toutes parts, ombre et dispersion, tout cela, qui est dans l’abîme, est dans l’homme. Gwynplaine était en proie à cette tourmente.

Au plus fort de cette angoisse, les paupières toujours fermées, il entendit une voix exquise qui disait : — Est-ce que tu dors, Gwynplaine ? — Il ouvrit les yeux en sursaut et se leva sur son