Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 3.djvu/281

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chant rongeant l’impuissance. Barkilphedro était peut-être au moment de renoncer, non à vouloir du mal à Josiane, mais à lui en faire ; non à la rage, mais à la morsure. Pourtant, quelle chute, lâcher prise ! garder désormais sa haine dans le fourreau, comme un poignard de musée ! Rude humiliation.

Tout à coup, à point nommé, — l’immense aventure universelle se plaît à ces coïncidences, — la gourde de Hardquanonne vient, de vague en vague, se placer entre ses mains. Il y a dans l’inconnu on ne sait quoi d’apprivoisé qui semble être aux ordres du mal. Barkilphedro, assisté des deux témoins quelconques, jurés indifférents de l’amirauté, débouche la gourde, trouve le parchemin, le déploie, lit… — Qu’on se représente cet épanouissement monstrueux !

Il est étrange de penser que la mer, le vent, les espaces, les flux et les reflux, les orages, les calmes, les souffles, peuvent se donner beaucoup de peine pour arriver à faire le bonheur d’un méchant. Cette complicité avait duré quinze ans.