Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 3.djvu/320

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et ils me l’ont mise au cou, et ils m’ont jeté dans l’égout ! Oh ! ces bandits qui ont torturé mon enfance, oui, ils remuent et se dressent au plus profond de ma mémoire, oui, je les revois. J’ai été le morceau de chair becqueté sur une tombe par une troupe de corbeaux. J’ai saigné et crié sous toutes ces silhouettes horribles. Ah ! c’est donc là qu’on m’avait précipité, sous l’écrasement de ceux qui vont et viennent, sous le trépignement de tous, au-dessous du dernier dessous du genre humain, plus bas que le serf, plus bas que le valet, plus bas que le goujat, plus bas que l’esclave, l’endroit où le chaos devient le cloaque, au fond de la disparition ! Et c’est de là que je sors ! c’est de là que je remonte ! c’est de là que je ressuscite ! Et me voilà. Revanche !

Il s’assit, se releva, prit sa tête dans ses mains, se remit à marcher, et ce monologue d’une tempête continua en lui :

— Où suis-je ? sur le sommet ! Où est-ce que je viens m’abattre ? sur la cime ! Ce faîte, la