Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 3.djvu/328

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affamé, faisant rire, en avant un seigneur éclatant, fastueux, superbe, éblouissant Londres. Il se dépouillait de l’un et s’amalgamait à l’autre. Il sortait du saltimbanque et entrait dans le lord. Changements de peau qui sont parfois des changements d’âme. Par instants cela ressemblait trop au songe. C’était complexe, mauvais et bon. Il pensait à son père. Chose poignante, un père qui est un inconnu. Il essayait de se le figurer. Il pensait à ce frère dont on venait de lui parler. Ainsi, une famille ! Quoi ! une famille, à lui Gwynplaine ! Il se perdait dans des échafaudages fantastiques. Il avait des apparitions de magnificences ; des solennités inconnues s’en allaient en nuage devant lui ; il entendait des fanfares.

— Et puis, disait-il, je serai éloquent.

Et il se représentait une entrée splendide à la chambre des lords. Il arrivait gonflé de choses nouvelles. Que n’avait-il pas à dire ? Quelle provision il avait faite ! Quel avantage d’être, au milieu d’eux, l’homme qui a vu, touché, subi,