Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/143

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prendre. Gwynplaine, personne ne m’a possédée, je me donne à toi pure comme la braise ardente, tu ne me crois évidemment pas, mais si tu savais comme cela m’est égal !

Ses paroles avaient le pêle-mêle de l’éruption. Une piqûre au flanc de l’Etna donnerait l’idée de ce jet de flamme.

Gwynplaine balbutia :

— Madame…

Elle lui mit la main sur la bouche.

— Silence ! je te contemple. Gwynplaine, je suis l’immaculée effrénée. Je suis la vestale bacchante. Aucun homme ne m’a connue ; et je pourrais être Pythie à Delphes, et avoir sous mon talon nu le trépied de bronze où les prêtres, accoudés sur la peau de Python, chuchotent des questions au dieu invisible. Mon cœur est de pierre, mais il ressemble à ces cailloux mystérieux que la mer roule au pied du rocher Huntly Nabb, à l’embouchure de la Thees, et dans lesquels, si on les casse, on trouve un serpent. Ce serpent, c’est mon amour. Amour tout-