Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/142

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braver, tout faire, tout défaire, c’est vivre. Écoute, je t’aime.

Elle s’interrompit, et eut un effrayant sourire.

— Je t’aime non seulement parce que tu es difforme, mais parce que tu es vil. J’aime le monstre, et j’aime l’histrion. Un amant humilié, bafoué, grotesque, hideux, exposé aux rires sur ce pilori qu’on appelle un théâtre, cela a une saveur extraordinaire. C’est mordre au fruit de l’abîme. Un amant infamant, c’est exquis. Avoir sous la dent la pomme, non du paradis, mais de l’enfer, voilà ce qui me tente, j’ai cette faim et cette soif, et je suis cette Ève-là. L’Ève du gouffre. Tu es probablement, sans le savoir, un démon. Je me suis gardée à un masque du songe. Tu es un pantin dont un spectre tient les fils. Tu es la vision du grand rire infernal. Tu es le maître que j’attendais. Il me fallait un amour comme en ont les Médées et les Canidies. J’étais sûre qu’il m’arriverait une de ces immenses aventures de la nuit. Tu es ce que je voulais. Je te dis là un tas de choses que tu ne dois pas com-