Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Est-ce que Gwynplaine aimait cette femme ? Est-ce que l’homme a, comme le globe, deux pôles ? Sommes-nous, sur notre axe inflexible, la sphère tournante, astre de loin, boue de près, où alternent le jour et la nuit ? Le cœur a-t-il deux côtés, l’un qui aime dans la lumière, l’autre qui aime dans les ténèbres ? Ici la femme rayon ; là la femme cloaque. L’ange est nécessaire. Est-ce qu’il serait possible que le démon, lui aussi, fût un besoin ? Y a-t-il pour l’âme l’aile de chauve-souris ? l’heure crépusculaire sonne-t-elle fatalement pour tous ? la faute fait-elle partie intégrante de notre destinée non refusable ? le mal, dans notre nature, est-il à prendre en bloc, avec le reste ? est-ce que la faute est une dette à payer ? Frémissements profonds.

Et une voix pourtant nous dit que c’est un crime d’être faible. Ce que Gwynplaine éprouvait était indicible, la chair, la vie, l’effroi, la volupté, une ivresse accablée, et toute la quantité de honte qu’il y a dans l’orgueil. Est-ce qu’il allait tomber ?