Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/360

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désespoir. La société ? une haine. Et lui-même ? un vaincu. Et au fond de son âme, il s’écria : La société est la marâtre. La nature est la mère. La société, c’est le monde du corps ; la nature, c’est le monde de l’âme. L’une aboutit au cercueil, à la boîte de sapin dans la fosse, aux vers de terre, et finit là. L’autre aboutit aux ailes ouvertes, à la transfiguration dans l’aurore, à l’ascension dans les firmaments, et recommence là.

Peu à peu le paroxysme s’emparait de lui. Tourbillonnement funeste. Les choses qui finissent ont un dernier éclair où l’on revoit tout.

Qui juge, confronte. Gwynplaine mit en regard ce que la société lui avait fait et ce que lui avait fait la nature. Comme la nature avait été bonne pour lui ! comme elle l’avait secouru, elle qui est l’âme ! Tout lui avait été pris, tout, jusqu’au visage ; l’âme lui avait tout rendu. Tout, même le visage ; car il y avait ici-bas une céleste aveugle, faite exprès pour lui, qui ne voyait pas sa laideur et qui voyait sa beauté.