Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/365

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que son premier devoir n’était pas envers Dea ? Servir et défendre le peuple ? mais Dea, c’était le peuple ! Dea, c’était l’orpheline, c’était l’aveugle, c’était l’humanité ! Oh ! que leur avait-on fait ? Cuisson cruelle du regret ! son absence avait laissé le champ libre à la catastrophe. Il eût partagé leur sort. Ou il les eût pris et emportés avec lui, ou il se fût englouti avec eux. Que devenir sans eux maintenant ? Gwynplaine sans Dea, était-ce possible ? Dea de moins, c’est tout de moins ! Ah ! c’était fini. Ce groupe bien-aimé était à jamais enfoui dans l’irréparable évanouissement. Tout était épuisé. D’ailleurs, condamné et damné comme l’était Gwynplaine, à quoi bon lutter plus longtemps ? Il n’y avait plus rien à attendre, ni des hommes, ni du ciel. Dea ! Dea ! où est Dea ? Perdue ! Quoi, perdue ! Qui a perdu son âme n’a plus pour la retrouver qu’un lieu, la mort.

Gwynplaine, égaré et tragique, posa fermement sa main sur le parapet comme sur une solution, et regarda le fleuve.