Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/383

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fin de chaque phrase. Elle ne ressemblait que confusément à l’ancienne voix simple et ferme d’Ursus. C’était comme la parole de quelqu’un dont le bonheur est mort. La voix peut devenir ombre.

Ursus semblait monologuer plutôt que dialoguer. Du reste le soliloque était, on le sait, son habitude. Il passait pour maniaque à cause de cela.

Gwynplaine retint son haleine pour ne pas perdre un mot de ce que disait Ursus, et voici ce qu’il entendit :

— C’est très dangereux, cette espèce de bateau. Ça n’a pas de rebord. Si on roule à la mer, rien ne vous arrête. S’il y avait du gros temps, il faudrait la descendre sous le tillac, ce qui serait terrible. Un mouvement maladroit, une peur, et voilà une rupture d’anévrisme. J’en ai vu des exemples. Ah ! mon Dieu, qu’est-ce que nous allons devenir ? Dort-elle ? oui. Elle dort. Je crois bien qu’elle dort. Est-elle sans connaissance ? non. Elle a le pouls assez fort. Certaine-