Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/419

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que Gwynplaine prosterné le vît. Gwynplaine tenait les pieds de Dea embrassés, et l’implorait avec toutes sortes de mots confus.

— Je te dis que je ne veux pas. Toi, mourir ! je n’en ai pas la force. Mourir oui, mais ensemble. Pas autrement. Toi mourir, Dea ! Il n’y a pas moyen que j’y consente. Ma divinité ! mon amour ! comprends donc que je suis là. Je te jure que tu vivras. Mourir ! mais c’est qu’alors tu ne te figures pas ce que je deviendrais après ta mort. Si tu avais l’idée du besoin que j’ai de ne pas te perdre, tu verrais que c’est positivement impossible, Dea ! Je n’ai que toi, vois-tu. Ce qui m’est arrivé est extraordinaire. Tu ne t’imagines pas que je viens de traverser toute la vie en quelques heures. J’ai reconnu une chose, c’est qu’il n’y avait rien du tout. Toi, tu existes. Si tu n’y es pas, l’univers n’a plus de sens. Reste. Aie pitié de moi. Puisque tu m’aimes, vis. Je viens de te retrouver, c’est pour te garder. Attends un peu. On ne s’en va pas comme cela quand on est à peine ensemble depuis quelques