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LE PETIT ROI DE GALICE.

Et la chair de Roland, mieux que l’acier trempée,
Ne craint pas ce baiser farouche de l’épée.
Mais, cette fois, ce sont des armes de goujats,
Lassos plombés, couteaux catalans, navajas,
Qui frappent le héros, sur qui cette famille
De monstres se reploie et se tord et fourmille ;
Le héros sous son pied sent onduler leurs nœuds
Comme les gonflements d’un dragon épineux ;
Son armure est partout bosselée et fêlée ;
Et Roland par moments songe dans la mêlée :
« Pense-t-il à donner à boire à mon cheval ? »

Un ruisseau de pourpre erre et fume dans le val,
Et sur l’herbe partout des gouttes de sang pleuvent ;
Cette clairière aride et que jamais n’abreuvent
Les urnes de la pluie et les vastes seaux d’eau
Que l’hiver jette au front des monts d’Urbistondo,
S’ouvre, et toute brûlée et toute crevassée,
Consent joyeusement à l’horrible rosée ;
Fauve, elle dit : « C’est bon. J’ai moins chaud maintenant. »
Des satyres, couchés sur le dos, égrenant
Des grappes de raisin au-dessus de leur tête,
Des ægipans aux yeux de dieux, aux pieds de bête,
Joutant avec le vieux Silène, s’essoufflant
À se vider quelque outre énorme dans le flanc,
Tetant la nymphe Ivresse en leur riante envie,
N’ont pas la volupté de la soif assouvie