Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/67

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Ô Dieu ! de quel démon est cet homme échappé ?
Vraiment ! est-ce donc trop espérer que de croire
Qu’on ne va point, par ruse et par trahison noire,
Massacrer des enfants, broyer des orphelins,
Des anges, de clarté céleste encor tout pleins !
Mais c’est qu’elle est là morte, immobile, insensible !
Je n’aurais jamais cru que cela fût possible.
Il faut être le fils de cette infâme Agnès !
Rois ! j’avais tort jadis quand je vous épargnais,
Quand, pouvant vous briser au front le diadème,
Je vous lâchais, j’étais un scélérat moi-même,
J’étais un meurtrier d’avoir pitié de vous !
Oui, j’aurais dû vous tordre entre mes serres, tous !
Est-ce qu’il est permis d’aller dans les abîmes
Reculer la limite effroyable des crimes,
De voler, oui, ce sont des vols, de faire un tas
D’abominations, de maux et d’attentats,
De tuer des enfants et de tuer des femmes,
Sous prétexte qu’on fut, parmi les oriflammes
Et les clairons, sacré devant le monde entier
Par Urbain Quatre, pape et fils d’un savetier !
Que voulez-vous qu’on fasse à de tels misérables !
Avoir mis son doigt noir sur ces yeux adorables !
Ce chef d’œuvre du Dieu vivant, l’avoir détruit !
Quelle mamelle d’ombre et d’horreur et de nuit,
Dieu juste, a donc été de ce monstre nourrice ?
Un tel homme suffit pour qu’un siècle pourrisse.
Plus de bien ni de mal, plus de droit, plus de lois.