Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/95

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« Les forêts sont le lieu lugubre ; la terreur,
» Noire, y résiste même au matin, ce doreur ;
» Les arbres tiennent l’ombre enchaînée à leurs tiges ;
» Derrière le réseau ténébreux des vertiges,
» L’aube est pâle, et l’on voit se tordre les serpents
» Des branches sur l’aurore horribles et rampants ;
» Là, tout tremble ; au-dessus de la ronce hagarde,
» Le mont, ce grand témoin, se soulève et regarde ;
» La nuit, les hauts sommets, noyés dans la vapeur,
» Les antres froids, ouvrant la bouche avec stupeur,
» Les blocs, ces durs profils, les rochers, ces visages
» Avec qui l’ombre voit dialoguer les sages,
» Guettent le grand secret, muets, le cou tendu ;
» L’œil des montagnes s’ouvre et contemple éperdu ;
» On voit s’aventurer dans les profondeurs fauves
» La curiosité de ces noirs géants chauves ;
» Ils scrutent le vrai ciel, de l’Olympe inconnu ;
» Ils tâchent de saisir quelque chose de nu :
» Ils sondent l’étendue auguste, chaste, austère,
» Irritée, et, parfois, surprenant le mystère,
» Aperçoivent la Cause au pur rayonnement,
» Et l’Énigme sacrée, au loin, sans vêtement,
» Montrant sa forme blanche au fond de l’insondable.
» Ô nature terrible ! ô lien formidable
» Du bois qui pousse avec l’idéal contemplé !
» Bain de la déité dans le gouffre étoilé !
» Farouche nudité de la Diane sombre
» Qui, de loin regardée et vue à travers l’ombre,