Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/97

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» Le chaos est l’époux lascif de l’infini.
» Avant le Verbe, il a rugi, sifflé, henni ;
» Les animaux, aînés de tout, sont les ébauches
» De sa fécondité comme de ses débauches.
» Fussiez-vous dieux, songez en voyant l’animal !
» Car il n’est pas le jour, mais il n’est pas le mal.
» Toute la force obscure et vague de la terre
» Est dans la brute, larve auguste et solitaire ;
» La sibylle au front gris le sait, et les devins
» Le savent, ces rôdeurs des sauvages ravins ;
» Et c’est là ce qui fait que la Thessalienne
» Prend des touffes de poil aux cuisses de l’hyène,
» Et qu’Orphée écoutait, hagard, presque jaloux,
» Le chant sombre qui sort du hurlement des loups. »

« — Marsyas ! » murmura Vulcain, l’envieux louche.
Apollon attentif mit le doigt sur sa bouche.
Le faune ouvrit les yeux, et peut-être entendit ;
Calme, il prit son genou dans ses deux mains, et dit :

« Et maintenant, ô dieux ! écoutez ce mot : L’âme !
» Sous l’arbre qui bruit, près du monstre qui brame,
» Quelqu’un parle. C’est l’Âme. Elle sort du chaos.
» Sans elle, pas de vents, le miasme ; pas de flots,